Petite remarque au préalable : je ne parlerai ici que de l’insuffisance rénale chronique et non de l’insuffisance rénale aiguë. L’organe est le même, mais les causes, les mécanismes et le pronostic sont sensiblement différents.
Deuxième petite remarque : cet article est destiné au grand public. Je tenterai d’expliquer brièvement et simplement la maladie sans rentrer dans les détails.
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Le rein est un organe qui filtre le sang et qui est chargé de le détoxifier en éliminant les toxines (les déchets) produits par l’organisme. Quand je dis « le rein », je parle en fait DES reins, présents en nombre normal de deux.
Les reins filtrent donc le sang pour le transformer en urine, qui est stockée dans la vessie via les uretères et est ensuite éliminé lors de la miction (« acte d’uriner ») par l’urètre.
Lorsque le rein est défaillant, il ne peut plus filtrer le sang et les toxines s’y accumulent (dans le sang).

Quel talent! (non?)
L’insuffisance rénale chronique est une maladie qui touche le plus souvent les chiens âgés. Ou lors d’anomalies congénitales (anatomiques ou fonctionnelles) chez des jeunes animaux.
L’insuffisance rénale chronique se met en place petit à petit : le rein est détruit progressivement. On diagnostique souvent cette maladie à un stade avancé de la maladie car l’organisme du chien a tendance à compenser et à tolérer de lentes augmentations des toxiques dans le sang, jusqu’à un certain stade … où il est souvent peu aisé de faire machine arrière.
Quelle en est la cause?
On n’arrive souvent pas à expliquer la cause primaire de l’IRC (Insuffisance Rénale Chronique) : il s’agit d’un vieillissement prématuré (ou non) de cet organe. Par contre, on sait que des facteurs extérieurs peuvent aggraver et accélérer la maladie : la déshydratation, l’ingestion de toxiques ou de médicaments qui vont détruire le rein, des infections urinaires chroniques, des calculs urinaires (rénaux, urétéraux ou urétraux), des tumeurs rénales, de l’hypertension, …
Quels en sont les symptômes?
Un chien qui souffre d’IRC boit et urine généralement beaucoup (on appelle cela dans le jargon médical un syndrome de « polyurie – polydypsie »). Il est KO, mange peu et peut même vomir fréquemment. Il maigrit et se déshydrate malgré qu’il boive beaucoup.
Le hic est que les symptômes n’apparaissent que lorsque plus de 2/3 du rein n’est atteint. Vous vous rendez donc compte que la maladie est souvent diagnostiquée tard dans le processus.
Comment diagnostiquer l’IRC?
En se rendant chez son vétérinaire, évidemment! Car, sur base des symptômes que vous lui décrirez, votre véto vous proposera probablement de réaliser des examens complémentaires. En général, on réalise quasi systématiquement une prise de sang et une analyse urinaire.
L’analyse sanguine montrera une augmentation de toxiques éliminés généralement par le rein sain mais que le rein malade ne peut plus filtrer (urée, créatinine). C’est l’augmentation de ces toxiques dans le sang qui fait que l’animal ne mange plus ou mange moins et qu’il soit nauséeux.
On observe aussi souvent des variations dans l’ionogramme (les ions sanguins : calcium, phosphore, sodium, potassium, chlorure, …) ainsi que des troubles de l’équilibre acido-basique. Très compliqué à expliquer tout ça, mais sachez que ces différents paramètres, dosés par votre vétérinaire dans la prise de sang, permettent d’affiner le diagnostic, de caractériser la gravité des lésions et de donner un pronostic vital à votre compagnon.
On réalise aussi fréquemment une numération formule sanguine. Un chien souffrant d’IRC sévère présentera de l’anémie. En effet, l’érythropoïétine (EPO) est une hormone produite par le rein et dont le rôle est de stimuler la production de globules rouges par la moelle osseuse. On comprend donc qu’un animal dont les reins souffrent synthétisera moins d’EPO, et donc, sa production de globules rouges diminuera, d’où l’anémie.
D’autres examens vous seront peut-être proposés afin de mieux caractériser les lésions ou de poser un pronostic précis, comme une radiographie abdominale, une échographie afin de visualiser l’état des reins, une mesure de la pression artérielle, …
Quel est le traitement de l’IRC?
Il est important de comprendre que le pourcentage de tissu rénal qui est détruit au moment du diagnostic d’IRC l’est de manière irréversible. Malgré cela, un traitement est possible et le chien peut être stabilisé et vivre des années sous traitement. Le traitement réduira les symptômes, augmentera la qualité et la durée de vie du chien.
Le traitement mis en oeuvre dépendra du stade d’IRC.
Je vous ai expliqué précédemment qu’un chien souffrant d’IRC pouvait se déshydrater. Cela provient du fait que, comme les reins sont malades, ils ne peuvent plus retenir suffisamment l’eau de l’organisme. Le chien urine donc beaucoup. Il boit également beaucoup pour compenser ces pertes urinaires. Mais comme il mange moins, vomit ou a de la diarrhée, les pertes en eau sont plus importantes que sa prise de boisson, donc, le chien se déshydrate. Or, cette déshydratation est néfaste pour les reins car elle diminue le débit de filtration et l’oxygénation de ces organes.
Votre vétérinaire vous proposera donc peut être d‘hospitaliser votre chien sous perfusion. La perfusion permettra de réhydrater l’animal, de réaugmenter le débit de filtration des reins et de forcer les reins à éliminer les toxiques.
Si le chien vomit ou présente des troubles gastro intestinaux (ulcères, diarrhée, …) : un traitement symptomatique sera mis en oeuvre. Anti vomitifs, anti diarrhéiques, pansements gastro-intestinaux, anti acides …
En cas d’anémie sévère secondaire à son IRC, votre vétérinaire pourra avoir recours à des anabolisants, une supplémentation en fer, voire une transfusion.
Votre vétérinaire vous prescrira également très certainement un régime alimentaire adapté. Ce régime alimentaire vise à limiter l’apport de protéines et l’apport excessif de phosphore et de sodium. Quand je dis qu’il faut réduire l’apport de protéine, ce n’est pas tout à fait vrai. Il faut continuer à apporter des protéines, mais ces protéines doivent être d’excellente qualité afin de ne pas accélérer le vieillissement des reins. Ces aliments spécifiques sont généralement riches en oméga 3 qui possèdent un effet « anti inflammatoire » naturel bénéfique.
Le gros problème que mes clients rencontrent est que ces aliments sont (il faut le souligner) moins appétissants que les autres aliments. Il faut donc réaliser une transition alimentaire progressive afin d’habituer le chien à sa nouvelle alimentation. S’il refuse catégoriquement l’alimentation de type « rénal », on essaiera de trouver une alternative acceptable car mieux vaut qu’il mange quelque chose de moins adapté plutôt que ne rien manger du tout.
Il faut parfois essayer de donner une alimentation humide en boite à son chien. Il existe des boites d’aliments de type « rénal » également. Les boites sont même préférables aux croquettes car les boites contiennent plus d’eau et contribuent donc à la réhydratation du chien.
Si le chien refuse de s’alimenter, votre vétérinaire vous proposera peut être de lui placer une sonde (un tube) dans l’estomac afin de la forcer à manger.
Je sais que l’alimentation est un sujet de discorde avec son véto. Le chien insuffisant rénal a par définition un appétit capricieux. Et votre véto vous demande de lui donner un aliment peu appétent (ceci dit, les différentes marques d’aliments ont fait des efforts en matière d’appétence, il suffit parfois de tenter différentes marques pour trouver le bonheur de votre chien). Je le dis donc ici et je crois que tous mes confères et consoeurs seront d’accord pour dire la même chose : OUI, dans la mesure du possible il ne faut donner que l’aliment rénal à votre chien, si possible sous forme de boites, sinon sous forme de croquettes. C’est vraiment mieux pour sa santé, et c’est la seule et unique alimentation qui optimisera ses chances de ne pas refaire de crise urémique et qui évitera que la maladie ne progresse plus rapidement. MAIS, effectivement, si vous avez tout essayé, il vaut mieux que votre chien mange autre chose plutôt qu’il ne mange pas du tout. Ce qui semble logique. Mais c’est moins bien. Voilà, on fait comme on peut, mais l’alimentation diététique rénale, c’est vraiment mieux.
Je cite ici les principales marques diététiques d’aliments, parce que c’est mon blog, et que j’y fais ce que je veux ;-)
Hills k/d : croquettes ou boites, Purina Proplan Renal NF : croquettes ou boites, Royal Canin Renal: croquettes ou boites, Specific CKW (boites) et CKD (croquettes), Virbac Renal Dog (croquettes)

Je précise que je n’ai aucune préférence pour l’une ou l’autre marque, je les ai classées par ordre alphabétique, voilà tout.
Des médicaments seront très certainement prescrits à votre chien.
Des IECA (Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l’Angiotensine), des chélateurs de phosphores (pour éviter que le phosphore n’augmente dans le sang), des supplémentations en potassium, des médicaments « tampons » pour éviter l’acidose, des probiotiques, des complexes multivitaminés, des hypotenseurs, des compléments permettant de freiner l’hyperparathyroïdie (hyper sécrétion de la glande parathyroïde) secondaire à l’IRC…
Tous ces médicaments sont à donner selon la prescription de votre vétérinaire. On ne donne pas tout et n’importe quoi, à n’importe quel stade. Parlez et discutez avec votre véto, c’est le meilleur allié de votre chien.
C’est un peu difficile de vous expliquer le fonctionnement et l’utilité de tous ces différents médicaments dans un article « vulgarisé ». Si vous vous intéressez à celà, demandez à votre véto, je suis certaine qu’il arrivera à vous expliquer pourquoi il donne tel ou tel médicament à votre chien dans son cas bien précis, avec des mots simples.
Je m’attarde cependant un peu plus sur les IECA, car c’est vrai que ce médicament fait quasi systématiquement partie du traitement des chiens souffrant d’IRC. Il existe plusieurs IECA disponibles, et plusieurs labos qui les fabriquent, donc plusieurs noms de médicaments possibles. Pour les reconnaitre et savoir de quoi je parle, c’est facile : le principe actif de ces médicaments se termine par « -pril ». Ces médicaments diminuent la pression artérielle et la pression au niveau des reins, et en parallèle ils augmentent le flux sanguin rénal et le taux de filtration des reins. Les IECA permettent de réduire la protéinurie (présence de protéines dans les urines) si elle est présente. La protéinurie est, en effet, en plus d’un signe de lésion rénale, un facteur aggravant de l’IRC. C’est donc un très bon allier dans le traitement de l’IRC. Traitement qui, je le rappelle, n’est que palliatif, car les lésions déjà en place sont irréversibles, et la maladie évolue inexorablement. On ne peut qu’en ralentir le processus.
Les effets indésirables secondaires des IECA sont : apathie, ataxie, tremblements, incoordination, anorexie, vomissements et diarrhée. Ces effets secondaires sont généralement des signes d’hypotension et/ou d’azotémie (présence d’azote dans le sang, qui peut être la conséquence d’une diminution du taux de filtration des reins suite à l’hypotension).
Il est donc très important de faire contrôler régulièrement votre chien chez votre vétérinaire. Car si on utilise très fréquemment ces médicaments pour tenter de pallier à l’IRC, on se doit également d’en moduler les effets secondaires rares, mais possibles.
Et la dialyse? Et la greffe de rein?
Une dialyse serait possible, dans l’absolu. Le hic est que le matériel de dialyse coûte un bras, et qu’à ma connaissance il n’y a qu’un seul centre d’hémodialyse en France, à l’Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon. Et dans ce centre, on ne réalise de dialyse que sur des cas d’IR aiguë. A oublier, donc … pour le moment.
La greffe de rein quant à elle est techniquement possible, oui. Mais pas en France, ou du moins, pas actuellement. C’est une chirurgie qui commence à être pratiquée dans les pays anglosaxons, via des chiens donneurs. A oublier aussi, donc … pour le moment.
OK, mon véto a donné un traitement à mon chien, on se revoit quand?
La réponse, c’est SOUVENT, malheureusement. Un chien sous traitement d’IRC doit être revu fréquemment par son véto. Une semaine à dix jours après la mise en place du traitement, pour un contrôle sanguin, généralement, puis aussi souvent que votre véto ne le jugera nécessaire. Mais au moins deux à trois fois par an, quand tout va bien et que le chien est stable.
Les visites de contrôle ont pour but de contrôler physiquement votre chien (le peser, juger de son taux d’hydratation, mesurer sa pression artérielle, …) et de réaliser des examens de laboratoire (prise de sang : biochimie sanguine et numération formule sanguine, analyses d’urines, …) qui permettront à votre véto de déterminer la réponse au traitement et d’évaluer la condition de votre chien. Son traitement sera donc modulé et adapté en fonction des résultats de ces différents examens.
A quoi dois-je être attentif au jour le jour?
Vous devez être attentif à tout signe potentiel d’aggravation de la maladie de votre chien : augmentation de la soif, augmentation de la quantité d’urine émise, baisse d’appétit, amaigrissement, vomissements, …
Quel pronostic pour mon chien?
C’est très difficile pour moi de vous donner un pronostic dans un article généraliste. C’est votre vétérinaire, qui connaît votre chien, et a devant lui le cas unique de votre chien, qui pourra réellement vous donner un pronostic aux vues de l’état de votre compagnon, de ses résultats d’analyses, et de sa réponse à son traitement.
Le pronostic va évidement dépendre de l’étendue des lésions rénales et du traitement mis en place.
MAIS, la « pas trop mauvaise nouvelle » est que la durée de vie du chien souffrant d’IRC qui reçoit un traitement adapté peut être très longue, de plusieurs années.
Un chien qui est malade d’IRC ne souffre pas, en général, sauf en phase terminale, c’est à dire quand les reins ne fonctionnement plus du tout et que les taux d’urée sont très importants. Le chien est alors comateux, voire il convulse. A ce stade, on ne pourra malheureusement plus faire grand chose.
En conclusion?
Si votre chien souffre d’IRC :
– Ne loupez pas les visites de contrôle de votre chien chez votre vétérinaire, même si il vous semble aller bien. Toute légère augmentation de ses paramètres, la moindre perte de poids, … nous amènera à modifier son traitement, pour son bien, et pour augmenter son espérance de vie.
– Soyez strict quant à son traitement et son alimentation. Ce n’est vraiment pas une stratégie marketing de votre vétérinaire de vous obliger à lui donner de la nourriture adaptée.
Et dépistez la maladie le plus tôt possible! En effet, au plus tôt on prend la maladie en charge, au plus longue sera l’espérance de vie de votre chien. C’est la raison pour laquelle il est conseillé de faire réaliser un bilan sanguin et urinaire annuel à partir de l’âge de 7-8 ans pour les chiens de petites races et dès 5 ans pour les chiens de grandes races.
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